Interview

Un nouveau chapitre pour le Spiral



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Après 10 ans à la tête du centre de recherche interdisciplinaire Spiral, Catherine Fallon sera admise à l'éméritat en septembre 2022. Pas d’inquiétude, la relève est assurée ! C'est Pierre Delvenne qui a pris la tête du service ce 1er octobre. L'occasion de faire avec la directrice sortante et le directeur entrant le bilan de l'évolution du Spiral depuis sa création et des défis qui l'attendent...

La création du Spiral par Catherine Zwetkoff remonte à 1995. Spiral célèbre donc 26 années d'existence. Quel est le secret de sa longévité ?

Catherine Fallon : À mon sens, ce n'est pas tant sa longévité qui fait la particularité du Spiral. Il y a des centres de recherche de 30 ans ou plus. Mais, la plupart du temps, ils sont portés par une personnalité. Un jeune prof en début de carrière rassemble une équipe autour de lui. Bien souvent, le centre s'éteint lorsqu'il quitte l'Université…

Ce n'est pas le cas du Spiral, qui, avec Pierre, aura déjà connu 4 changements de direction !

Pierre Delvenne : Oui, c'est ce côté collectif qui fait la particularité et la force du Spiral. Il n'est pas porté par une seule personne, mais par toute une équipe.

D’où votre choix d'organiser la transition de direction dès maintenant ?

Pierre : Oui, Catherine est encore là pour une année académique. Mais, pour nous, il était primordial de stabiliser le Spiral avant son départ et d'organiser la transition de manière apaisée, en concertation et en bonne intelligence avec elle qui continuera bien sûr à jouer un rôle important dans les années à venir.

Catherine : Un nouveau poste va se libérer avec mon départ. Nous ne voulions pas attendre que cette nouvelle personne arrive pour envisager la transition et lui imposer d'emblée une charge supplémentaire.

C'est donc un nouveau chapitre qui s'amorce pour le Spiral. À quel point a-t-il évolué depuis sa fondation en 1995 ?

Pierre : Il a grandi et s'est étendu dans les questions traitées, tout en restant fidèle à l'esprit insufflé par Catherine Zwetkoff au début. C'est suite à un voyage dans le Delaware qu'elle a ramené dans ses valises cette culture de l'interdisciplinarité. Sociologue de formation, elle est très tôt sortie des murs de la Faculté en sollicitant des vétérinaires, des médecins ou encore des ingénieurs pour ses recherches en matière de gestion de crise et de la crise de la vache folle en particulier. C'était du jamais vu à l'époque !

Catherine : C'est dans cet esprit que nous avons fondé le Spiral en 1995 : Catherine Zwetkoff, Sébastien Brunet, son assistant, et moi-même. En plus de la gestion des risques, Sébastien a progressivement apporté la dimension science, technologie et société qu'il avait développée dans sa thèse. Lorsque Catherine Zwetkoff a pris sa retraite, il a naturellement pris sa succession à la tête du Spiral, de 2006 à 2011. Et il a formé de jeunes chercheurs comme Pierre à l’approche STS.

Il faut souligner que ce qui a permis au Spiral de grandir et d'évoluer, c'est que la vision de départ était suffisamment large et les fondations suffisamment solides pour pouvoir y construire des étages.

Les pôles « Risques et Gouvernance » et « Science, Technologie et Société » sont d'ailleurs toujours présents. De même que « Administration et politiques publiques » et « Développements méthodologiques » qui s'y sont ajoutés. Aujourd'hui, un nouveau pôle se dessine : « Écologies et Sociétés ».

Pierre : Oui, la création de ce nouveau pôle résulte de deux énormes milestones pour le Spiral : l'obtention d'un ERC Starting Grant pour François Thoreau et la nomination de Kim Hendrickx comme Chercheur qualifié FNRS.

Le projet de recherche The BoS de François Thoreau signe l'arrivée de 7 chercheurs avec un profil souvent international au sein du Spiral et de Cité. Il crée en quelque sorte une nouvelle équipe dans notre centre de recherche.

Parallèlement, Kim Hendrickx devient le deuxième chercheur permanent FNRS de la Faculté. Il travaille sur la biosurveillance humaine, la manière dont on peut utiliser le corps comme sentinelle capable d'indiquer des traces de pollutions passées, ce qui peut permettre de redéfinir des politiques publiques pour gérer les niveaux de pollution acceptables.

La stabilisation concomitante de ces deux chercheurs et la nature de leur projet nous ont poussés à fonder ce 5e pôle. Il permet de mieux refléter la diversité des thématiques creusées par le Spiral. Pour Kim et François, c'est aussi une opportunité de pouvoir façonner leur propre « aile » de l'édifice.

Écologies au pluriel ?

Pierre : Nous voulons souligner la volonté constante du Spiral d'envisager les points de vue multiples, de ne pas homogénéiser les choses. Il n'y pas une vision de l'écologie, mais plusieurs, et elles s’inscrivent dans des dynamiques sociétales complexes et enchevêtrées.

Le Spiral va donc encore s'élargir et accueillir de nouveaux chercheurs. Comment envisagez-vous ces changements ?

Catherine : Ce sera certainement un défi, mais nous l'abordons avec confiance. Nous allons passer de 2 chercheurs permanents à temps plein à 4, avec Kim et François. Et l'équipe de recherche de François va également intégrer le Spiral. Tout cela entraîne aussi un défi logistique, puisque les locaux que nous occupons actuellement deviennent trop étroits. Heureusement, la Faculté est extrêmement soutenante et nous aide activement à préparer notre prochain déménagement. Nous lui en sommes très reconnaissants !

Pierre : Pour nous, c'est essentiel de travailler au sein d’un même lieu. Il y a une culture de la présence très forte au sein du Spiral. On a besoin de se voir, de pouvoir discuter, réfléchir ensemble autour d'un tableau, mais aussi se rencontrer, de manger ensemble... Il y a une vraie collégialité.

On sent que l'esprit est très collaboratif au sein de l'équipe. Comment se positionne le directeur (ou la directrice) du Spiral dans cette manière de fonctionner ?

Catherine : Le Spiral est un centre de recherche avec une grande horizontalité entre les acteurs. Nous sommes tous des partenaires. Il n'y a pas de patron qui dit ce qu'il faut faire. Au mieux, il accompagne et donne des impulsions quand il le faut. Tout le monde vient avec ses idées, on en discute et on voit ensemble ce qu’on peut en faire.

Pierre : Je rejoins tout à fait Catherine. Le directeur a des responsabilités supplémentaires de gestion de l'équipe, etc., mais les décisions se prennent ensemble. D'ailleurs, en ce qui me concerne, je n'envisage pas de rester directeur du Spiral jusqu'à la fin de ma carrière, qui est encore loin. Nous allons envisager une rotation dans le mandat de directeur/directrice qui durera 4 à 5 ans. Diriger l'équipe est un investissement en temps conséquent et cela nous permettra à tous et toutes d'intégrer cette responsabilité avec nos projets : l'écriture d'un livre, un séjour de recherche...

Pierre est également directeur de l'Unité de Recherche Cité. Comment ces deux organisations s’articulent-elles au sein de la Faculté ?

Pierre : L’une et l'autre se nourrissent. Le Spiral était en quelque sorte, à une échelle bien plus réduite, un laboratoire d’expérimentation dont certains modes de fonctionnement ont pu servir lorsque nous avons créé Cité. Au départ, j'ai pu y apporter des méthodes collaboratives et des idées issues de mon expérience au sein du Spiral pour poser les bases de l’UR avec le Bureau recherche, et particulièrement Patrick Wautelet, notre Vice-Doyen à la Recherche qui fait un travail formidable.

Par ailleurs, Cité a changé la dynamique au sein de la Faculté en suscitant des collaborations que l'on n'aurait pas imaginées avant. C’est aussi vrai pour le Spiral. Cité a également permis de mettre en place un véritable soutien logistique à la recherche et aux financements avec l'engagement de Gérôme Arnold et Julie Colemans, dont le poste a été récemment pérennisé. Un soutien qui s’est à plusieurs reprises avéré déterminant.

Catherine : Comme Pierre je pense que nous avons beaucoup gagné avec la création du Bureau recherche, et plus largement la mise en place de la Commission facultaire à la Recherche. Par exemple, tous les projets de recherche y sont relus par le Bureau. Nous bénéficions énormément de leurs commentaires et de leur regard extérieur. Enfin, lorsqu’une décision importante doit être prise, comme l’attribution d’un mini-sabbatique ou du Seal of Excellence, ce sont les membres de la Commission recherche qui délibèrent et prennent la décision.

Quelque chose à ajouter en guise de mot de la fin ?

Pierre : Je voudrais saluer tout ce que Catherine a apporté au Spiral lors de ces 10 ans passés à sa tête. Nous avons beaucoup évolué dans la professionnalisation du suivi des chercheurs, un nombre impressionnant de thèses ont été défendues... Toute une génération de chercheurs a eu la chance de bénéficier de l'encadrement de Catherine, de ses conseils et de son soutien plein et entier. Nous avons fait un véritable bon en avant sous sa direction.

Catherine : Le Spiral, c'est beaucoup de travail, la recherche de financements, mais surtout, on s'y amuse ! Je pense qu'il faut le relever. Faire de la recherche et trouver des financements, c'est déjà assez pénible. Si en plus on ne s'amuse pas, c'est compliqué...

En tout cas, ce ne sont pas les projets qui manquent pour les années à venir. En matière de crise, avec le COVID puis les inondations, nous avons été servis ! Dans un autre domaine, Céline Parotte vient de décrocher un mandat de Chargée de recherches FNRS et elle travaille sur le démantèlement des installations nucléaires. Elle se penche sur une question à mon sens fondamentale et sous-investiguée pour le moment : comment va-t-on vivre avec les ruines de notre société industrielle ?

Bref, le Spiral a encore de belles années de recherche devant lui !

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