La méthode du Focus Group est une méthode qualitative de recherche sociale qui favorise l'émergence de toutes les opinions. Cette méthode, qui est à la fois orale et groupale, ne poursuit donc pas la recherche du consensus. Elle permet par contre le recueil des perceptions, des attitudes, des croyances, des zones de résistances des groupes cibles. Elle répond aux« pourquoi ? » et aux « comment ? ».

Concrètement, la technique consiste à recruter un nombre représentatif de groupes, en fonction de l'objet de la décision à l'étude, composés de six à douze personnes volontaires, et à susciter une discussion ouverte répondant à une logique de créativité. Cette discussion se structure autour d'une grille d'entretien définissant les différents thèmes de l'étude. Une analyse/synthèse de la discussion permet de relever les principaux mots clés des participants ainsi que les points de convergence et de divergence entre les groupes.

Cette manière de procéder donne quatre résultats :

  1. Elle permet le recueil des perceptions des populations concernées, sans idées préconçues ni hypothèse à vérifier (la méthode est inductive) ;
  2. Elle explique les comportements sociaux concernant les problèmes, leurs causes et les correctifs à y apporter ;
  3. Elle favorise l'implication du milieu en lui accordant la parole et le reconnaissant expert de son vécu personnel ;
  4. Elle donne aux autorités concernées la possibilité d'élaborer des politiques et des projets correspondant aux attentes exprimées par les populations ou les groupes concernés.

La méthode du Focus Group prend ses assises dans la réalité et le milieu naturel. Son objectif n'est pas de prouver (hypothèse explicative), mais de fouiller le « pourquoi ? » et le « comment ? » des phénomènes.

Les pré-requis

La réussite du Focus Group repose sur quatre facteurs principaux :

  1. Le recrutement des participants doit s'opérer selon des critères homogènes. Ce critère doit évidemment s'apprécier en fonction des problématiques étudiées. Ce qui est visé ici, c'est la constitution de groupes où aucun facteur ne vient entraver la prise de parole (présence de supérieurs hiérarchiques directs, par exemple) ;
  2. L'animation du groupe doit respecter les lois de la dynamique des groupes avec, notamment une orientation des échanges en fonction des thèmes de la grille (la présence d'un animateur expérimenté est donc indispensable) ;
  3. L'élaboration de la grille doit répondre aux objectifs de l'étude et être adaptée aux populations visées (questions ouvertes et non biaisées, langage simple et clair) ;
  4. La synthèse des résultats doit s'effectuer de façon systématique, avec des données quantifiées (comparaison inter-groupes et pourcentage).

Une approche « impressionniste » consistant à donner les impressions qui se dégagent des contenus peut comporter des biais importants. La perception des chercheurs n'est validée par aucun moyen de contrôle. Mais, il est possible de procéder à un traitement systématique des données qualitatives.

Simard (1989) propose d'utiliser la méthode logico-sémantique qu'elle définit ainsi : « cette approche d'analyse de contenu est celle d'une classification et son classement est le classement logique des contenus après l'explication des valeurs sémantiques de ces contenus si nécessaire ». C'est-à-dire que des catégories sont induites d'un contenu pour lequel on n'a pas formulé d'hypothèses. Il s'agit de dépouiller les unités de contexte et, à l'intérieur de ces unités, d'identifier les unités significatives ; de leur étude combinatoire, surgiront les catégories permettant de coder, classer et compter.

Le nombre de participants

Le nombre de personnes par groupes

Le nombre idéal de participants à chaque groupe se situe entres six personnes minimum et douze maximum. Six correspond au minimum requis pour que s'installe la dynamique de groupe. Douze est un maximum si l'on veut éviter que naissent des sous-groupes ; le nombre idéal est de dix participants.

Le nombre de groupes et la taille de l'échantillon

Ce nombre est à déterminer en fonction de l'ampleur de la recherche. Il faut cependant veiller à disposer d'un nombre de groupes suffisant pour atteindre la saturation de contenu. La taille de l'échantillon et sa représentativité (par rapport à l'hétérogénéité de la population) dépendent du type de recherche.

Le mode de sélection des participants

La sélection peut se faire à partir d'un échantillonnage ou encore faire appel à des volontaires.

L'échantillonnage dépend de l'existence ou non d'une liste complète et exhaustive de tous les sujets concernés :

  • Si elle existe, on procède au tirage d'un échantillon probabiliste ;
  • Si non, on applique la méthode des quotas avec construction d'une matrice (croisement des caractères de la population).

La taille de l'échantillon dépendra et sera en équivalence avec la complexité du tissu social. Il y a de toute manière des phénomènes d'autosélection/exclusion qui interviendront plus tard, si l'on part d'un échantillon aléatoire, mais qui seront néanmoins présents.

La durée

Selon le nombre et la complexité des thèmes abordés, il faut compter une durée de une heure minimum et trois heures maximum.

À la durée du Focus Group proprement dit (à multiplier par le nombre de groupes), il convient d'ajouter le temps de :

  • La préparation de la grille d'entretien ;
  • Celui de la transcription intégrale des enregistrements des Focus Groups. Cette transcription intégrale des résultats est une étape fastidieuse mais indispensable. Elle doit être faite avec rigueur, sans omission, avec les redites, etc. Il faut compter +/- 40 à 60 pages pour trois heures d'enregistrement ce qui représente à peu près trois jours de travail ;
  • Celui de la synthèse et analyse des résultats.

Au total, la méthode est exigeante en terme de compétences et de temps. Ce modèle présente de nombreux avantages :

  1. Il permet d'extraire les préoccupations et perceptions des sujets de la recherche, telles qu'ils les ont exprimées sans censure, ni discrimination, ni volonté de prouver une hypothèse plutôt qu'une autre ;
  2. Il permet de hiérarchiser les messages clés en fonction de leur fréquence d'apparition dans chacun des groupes, à l'échelle des découpages géographiques, dans la perspective de témoigner de l'importance accordée à chacun ;
  3. Il permet d'effectuer des comparaisons intergroupes et intervariables, de façon à saisir les différences et les points de convergence entre les catégories de personnes ;
  4. Il permet d'illustrer ces données par un verbatim percutant qui reflète la profondeur de contenu qu'on peut recueillir grâce à la méthode
  5. Il permet de procurer une grande fiabilité aux analyses qui, si elles étaient faites par d'autres chercheurs suivant les séquences de travail adoptées, pourraient donner les mêmes résultats.

Le déroulement

L'accueil des participants

Il s'agit d'un élément capital pour la suite. Un accueil chaleureux permet de dissiper unecertaine angoisse et d'établir un climat de confiance et de complicité.L'environnement physique et son aménagement sont importants car ils influencent les comportements. La disposition en cercle favorise la participation et place tous les participants sur un pied d'égalité. Le fait que tous puissent se voir favorise les interactions.

Introduction et présentation du projet

Il est préférable de préparer à l'avance une consigne, c'est-à-dire un résumé expliquant laraison d'être du groupe et ce qu'on attend des participants.Il est important de préciser, en y insistant, le caractère anonyme des débats et d'expliquer la nécessité technique de l'enregistrement des débats, afin qu'il n'existe aucune ambiguïté dans l'esprit des participants.Il arrive que le thème de discussion soit complexe. Pour permettre une discussion plus fouillée que celle du « café du commerce », il faut procéder à une mise à niveau des compétences techniques des participants. Cela peut se faire en faisant parvenir aux participants une information préalable et synthétique sur les thèmes qui seront abordés.

Les discussions

La grille est le support des discussions de groupe. C'est un guide et un outil pour l'animation. Elle peut être présentée soit sous une forme schématique, soit sous la forme de questionnaire.

Elle doit :

  • Suivre la progression logique du plan d'analyse qui définit les groupes de thèmes,
  • Comporter des questions ouvertes,
  • Des questions claires, d'un langage simple, accessible à tous,
  • Des questions non biaisées, sans connotation pouvant orienter le débat,
  • Des questions courtes,
  • Des questions ne recouvrant qu'une seule idée,
  • Une première question englobante, incitante et facilitante.

Le rôle de l'animateur

La personne qui anime un groupe de discussion a un rôle capital à jouer sur plusieurs plans :

  1. Elle doit créer la dynamique du groupe en mettant les participants en confiance ; tout se joue dans les dix premières minutes ;
  2. Elle doit diriger la dynamique du groupe, en respectant la grille et en maintenant les débats à l'intérieur des thèmes identifiés ;
  3. Elle doit éviter ce qu'il est convenu d'appeler la contamination du groupe. À cette fin, plusieurs conseils peuvent lui être utiles :
    • Repérer le plus vite possible le temporisateur et lui donner la parole chaque fois qu'il le demande,
    • Donner la parole à tout le monde et couper, au besoin, la parole au leader et au contre-leader, qui prennent beaucoup de place dans le groupe,
    • Aller chercher les timides et les passifs en les invitant à s'exprimer,
    • Utiliser l'effet de caricature pour repositionner le groupe, afin d'éviter les affirmations extrémistes. L'effet de caricature consiste à exagérer la position des participants afin de les inviter à plus de nuance,
    • Utiliser le « stop » pour permettre au groupe de décanter. Quand le groupe s'est laissé trop emporter, l'animateur doit faire un arrêt. Il effectue alors une courte synthèse des points de vue exprimés et relance le débat avec une nouvelle question, après avoir exhorté les participants à plus de calme et au respect des différents points de vue.
  4. Elle doit poser des sous-questions visant à amener les participants à faire part de leur expérience et à se révéler dans leur vécu personnel.

L'attitude de l'animateur

  • Animer : c'est agir et observer.
  • Agir : c'est réorienter, éviter qu'on coupe la parole, qu'on parle en même temps, donner la parole à tous, privilégier les passifs qui ne se sont pas encore manifestés, etc.
  • Observer : c'est garder une distance par rapport à l'action en cours, observer le non verbal, analyser la dynamique qui s'installe, trouver des stratégies pour éviter la contamination.

L'animateur doit être présent sans s'engager, être chaleureux, attentif, à l'écoute de tous. Il doit veiller à toujours rester neutre, à ne jamais donner son point de vue sur un thème. Il évite toute manifestation non verbale et retourne au groupe toutes les questions qui lui sont posées concernant le contenu. Il dirige le groupe sans être directif sur le contenu mais il est directif par rapport à la procédure. Pas autoritaire et rigide mais souple, il regarde la personne qui parle pour lui montrer son importance. Il accepte tout le monde dans sa différence et évite les conflits. Etc.

Le moment

À toutes les séquences du processus décisionnel.

Dans le contexte de la phase exploratoire d'un projet de mise en valeur, les segments du public intéressé, leurs questions, leurs préférences en matière de méthodes et les conditions d'acceptabilité sociale peuvent être identifiées de manière qualitative à partir de cette technique. L'étude des parties prenantes (identité, rationalités) peut également être affinée.

Les avantages

Cette technique permet d'appréhender, en plus des représentations des participants, l'argumentaire qui se construit dans le groupe. Elle informe aussi sur des contraintes qui pèseront sur le déroulement du dialogue. Par exemple, les zones d'ombre ou d'incertitude quant à la signification des termes. Autre avantage non négligeable, le Focus Group est déjà en soi, un mini-débat. Les participants se montrent d'ailleurs généralement satisfaits de l'occasion qui leur est donnée de s'impliquer et demandent dès lors à être informés des résultats de la recherche.

La méthode du Focus Group est ensuite un outil convivial et un instrument de planification sociale.

Un outil convivial, car il est simple à utiliser et facilement accessible. Il convient de ne pas en sous-estimer ni les coûts – il s'agit d'une méthode qualitative – ni les difficultés. La technique ne fait pas bon ménage avec l'amateurisme.

Un instrument de planification sociale parce qu'elle révèle les besoins, les priorités et les perceptions des populations. Munis de ces informations, les décideurs politiques (ou économiques) sont mieux outillés pour élaborer des projets qui ne se heurtent pas à une vive résistance. Des programmes de sensibilisation et des campagnes d'informations peuvent aussi être mis sur pied avec une plus grande chance de succès, puisqu'ils peuvent tenir compte des opinions et des zones de résistance des groupes cibles.

Les inconvénients

Une limite souvent mentionnée : cette technique ne permet pas, en principe, de généraliser les résultats à d'autres groupes même s'ils présentent les mêmes caractéristiques.

Études de cas et références

Deliverable D4 - Introductory identification of end users' needs in terms of decision-making process and of monitoring socio-cultural impact of accessibility projects; justified selection of cases to be studied, based on a precise analysis grid and protocol

Identification préliminaire des besoins des end users en termes de processus décisionnel et de monitoring des retombées socioculturelles de projets d'accessibilité ; sélection justifiée des études de cas, basée sur une grille d'analyse précise et un protocole

Bibliographie

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  • STRAUSS A. & CORBIN J., 1990. Basics of Qualitative Research. Grounded Theory Procedures and Techniques, Sage Publications, Newbury Park, London, New Delhi.
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